Spectacles IN

Welfare

« Moi j’aime regarder les gens, j’aime réfléchir à tout ce que je vois. » : ces propos du cinéaste Frederick Wiseman sont au cœur de l’adaptation de Welfare (1973) par Julie Deliquet. Une journée particulière dans la vie des sans-abri, des apatrides, des travailleurs, des mères célibataires et des démunis qui se succèdent aux guichets de ce centre d’aide sociale improvisé dans la Cour d’honneur. Le temps de la représentation, le Palais des papes devient le lieu d’une hospitalité qui peine à prendre figure humaine. Voilà le territoire des personnages que met en scène l’actuelle directrice du Centre dramatique national de Saint-Denis, dont le théâtre cherche à capter la vie au cœur de la comédie humaine. Quinze héros du quotidien dont les récits s’entremêlent pour dresser en creux le portrait des dysfonctionnements de notre société. Des personnages qui nous invitent à les suivre et à traverser le quatrième mur comme on traverse le fantasme pour reprendre pied dans le réel. Une pièce qui nous rappelle que la parole est une action et que la faire advenir est un acte citoyen.

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G.R.O.O.V.E.

Le Festival d’Avignon vous propose une déambulation performance de danse/musique/voix/lumière, rituel de plus de trois heures des temps présents qui pousse grand les portes de l’Opéra. 

Rejoignez les pulsations de G.R.O.O.V.E. de l’artiste Bintou Dembélé, figure historique du hip-hop en France et lauréate du prix SACD Chorégraphie en 2022. Elle poursuit depuis 2002 un travail fascinant autour d’une pensée et d’une danse marronnes, à la fois héritage et célébration. Bintou a marqué les esprits à travers la chorégraphie de l’opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau Les Indes galantes à l’Opéra de Paris en 2019. Avec G.R.O.O.V.E., Bintou Dembélé bouleverse les attendus dans une traversée flamboyante qui détourne ce livret. Elle déplace les codes de la rue, convoque le sacré et réunit les danses hip-hop, K.R.U.M.P. et voguing, le chant inouï de Célia Kameni et la lapsteel de Charles Amblard qui vous convient sur la fin à les rejoindre sur le dance floor.


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Le jardin des délices

Bienvenue dans Le Jardin des délices, une épopée rétrofuturiste à la rencontre des mondes à venir. Dans l’espace fantasmagorique de la Carrière de Boulbon, Philippe Quesne, créateur de La Mélancolie des dragons, La Nuit des taupes ou encore Farm fatale, retrouve le Festival pour fêter les vingt ans de sa compagnie, le Vivarium Studio.

Il rassemble une équipe d’interprètes, acteurs et musiciens prêts à entreprendre un voyage dans le temps d’hier à aujourd’hui, inspiré des allégories prémonitoires du tableau de Jérôme Bosch. Le peintre flamand a décrit le bouleversement radical des repères usuels, techniques et politiques dans une époque de transition, entre Moyen Âge et Renaissance. À sa suite, entre bestiaire médiéval, science-fiction écologique et western contemporain, Le Jardin des délices explore des mondes à la lisière des nôtres, lorsque fantaisie et utopie troublent le rapport entre nature et culture et formulent une réponse ludique aux menaces en cours.


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Dans la mesure de l'impossible

Travailler dans l’humanitaire. Le dire force de prime abord l’attention, puis pousse à la question. La curiosité à l’égard de ces vies de promesses, d’espoirs et d’engagement, est aussi nécessaire que dérangeante. Mais comment restituer des expériences qui sont toutes aussi publiques qu’intimes ? 

Tiago Rodrigues, avant de devenir le directeur du Festival d’Avignon que nous connaissons, s’y était essayé. À partir d’entretiens avec une trentaine de collaborateurs du Comité international de la Croix-Rouge et de Médecins sans frontières, il propose des questions / réponses. Comment diriger un camp de réfugiés ? Comment faire face à un choix de vie ou de mort ? Comment continuer quand il semble clair que, seul, il sera difficile de changer le monde ? Dans cet univers où l’impossible est quotidien, nous approchons un théâtre de parole où la réalité décrite n’est que doute et vulnérabilité. 

Angela (A strange loop)

Qu’est-ce qui est réalité ? Votre quotidien, vos rêves, vos peurs, vos désirs… Ou la somme de tout cela, additionnée des mondes qui vous habitent. Apparemment simple influenceuse sur YouTube, Angela pourrait être réduite à ses journées répétitives : une femme, qui se filme et communique sur sa maladie… Même format, même script, même pensée. Mais Angela ne nous dit pas tout. Hors caméra, quand elle abaisse son appareil et s’arrête sur ses perceptions, sa vie est bien différente. Nouvelle figure féminine de la metteuse en scène, elle est un personnage qui bascule en lui-même et se laisse porter par ses mondes fiévreux et souterrains. 

Avec l’artiste multimédia Markus Selg, Susanne Kennedy aime jouer de la technologie pour chercher en nous des états et perceptions qui flirtent avec le surnaturel, la science-fiction et le post-humanisme. Générateurs de fractales 3D, réseaux de neurones, logiciel de modélisation, boucles permettent de zoomer et dézoomer au creux de la vie d’Angela, afin de déstabiliser notre discernement et mettre en doute nos certitudes… Que voyons-nous ? Que percevons-nous ? En sommes-nous si sûrs ?


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The Romeo

Le mythique personnage shakespearien dans la Cour d’honneur. Un prénom plus connu que celui de Juliette, plus rassembleur mais aussi plus ambigu. Grand amoureux ? Séducteur invétéré ? Il est au-delà des frontières le symbole d’un « à la vie, à la mort », adolescent et incandescent. 

En faisant avec le « the » un archétype, le chorégraphe et danseur nord-américain Trajal Harrell, actuellement directeur du Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble, se joue des singuliers et des pluriels, des frontières nationales et culturelles. Une histoire contenue dans des danses imaginaires qui va ressusciter en nous l’archaïque, comme le désir de rêve commun. The Romeo est une Histoire de la danse qu'incarnent des interprètes de toutes origines, sexes, générations, tempéraments et humeurs. Une ode à la liberté lorsqu’ils et elles ont laissé leurs tragédies derrière eux !

Une danse, qui sait, d’avant la danse. Une danse qui convoque les imaginaires afin que ce qui est pensé impossible advienne. 

En atendant

D’un même lieu, le cloître des Célestins, aux mêmes heures : du crépuscule à la nuit, plus de dix ans après sa création, En Atendant d’Anne Teresa De Keersmaeker nous revient. En nous proposant de revivre ou vivre pour la première fois son répertoire, la chorégraphe belge unit les musiciens de l’ensemble Cour et Cœur à ses danseurs de toujours et d’aujourd’hui. Le tissage des polyphonies de l’Ars Subtilior, apparues lors de la peste noire au XIVe siècle, à une danse qui « marche ». 

En Atendant signe une véritable méditation dans un espace à la fois clos et ouvert, propice à sentir et respirer. La reprise de cette pièce du répertoire de cette figure majeure de la danse offre toute son essentialité à l’heure d’une pandémie mondiale et du réchauffement climatique. Sa résonance dans cet espace alliant nature, architecture et histoire, répond par une célébration de la vie à nos inquiétudes contemporaines. 

Programmer En Atendant et EXIT ABOVE after the tempest lors de cette même édition fait correspondre des œuvres et leur offre la possibilité de se parler.

Inventions

« Il est beau cet endroit. Ça pourrait être ici. » Des frottements de cordes tristes et doux emplissent l’espace de la scène qui s’éclaire lentement. Tour à tour, musiciennes et musiciens, danseuses et danseurs, et voix lyriques entrent dans la lumière. Comme dans une fugue, ils esquissent des trajectoires possibles entre silence et musique. Pour cet avant-dernier opus de la tétralogie sur l’œuvre immense de Jean-Sébastien Bach, María Muñoz et Pep Ramis, fondateurs et chorégraphes du collectif espagnol Mal Pelo, nous offrent un voyage céleste. Une traversée où gestuelle contemporaine et musique baroque tissent des harmonies et des contrepoints. Chœur à cœurs vibrants, les seize interprètes imaginent dans le cadre du lycée Saint-Joseph une poésie de gestes, de voix, de notes et de mots. Lignes de fuite, d’étreinte ou d’embrasement,les corps s’effleurent et tracent, à travers la lumière et le son, des images mouvantes à la beauté pure. Fragments de Cantates, Partita numéro II et L’Art de la fugue décomposent et agrègent l’espace en strates mélodiques, sédimentation polyphonique fertile, lieu de refuge temporaire le temps d’une fugue, abri infini le temps d’un mouvement. Une œuvre qui peut être danse comme chant et qui nous révèle autrement les espaces entre ciel et terre, face et lointain.

Extinctions

L’apocalypse hier et aujourd’hui. Dans le raffinement artistique et l’effervescence intellectuelle de la Vienne des années 1900, Julien Gosselin met en scène la destruction totale de l’art européen et de la civilisation occidentale, où l’aspiration à la beauté et à l’idéal se confrontent à la brutalité nue de la pulsion et de la mort. Il se concentre sur l’individu à l’heure de la fin d’un monde, dans une énergie faite de colère et de refus, jusqu’à son extinction… 

Depuis la création de sa compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur, le metteur en scène n’a cessé d’approcher le collectif. Pour Extinction, il associe sa compagnie à plusieurs acteurs et actrices de la Volksbühne, légendaire théâtre berlinois, pour une collaboration inédite. Un spectacle dans le spectacle se fait et se défait sous nos yeux dans la langue d’Arthur Schnitzler et de Thomas Bernhard, mêlant concert de musique électronique, dispositif vidéo total et théâtre de parole radical.

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